RÉSUMÉ DE LA THÈSE
Cette recherche a pour objectif principal l'analyse de la croissance urbaine à partir d'un modèle à particules. Elle est divisée en trois parties :
1- La première partie introduit la problématique.
Tout d'abord, elle présente un éventail de modèles, d'approches et de représentations différentes de la ville. La plupart des recherches urbaines comportent deux niveaux d'étude : l'échelle micro-urbaine qui considère la ville dans son fonctionnement interne et l'échelle macro-urbaine qui envisage la ville comme un point dans un réseau. De cette manière, elles cherchent à formaliser les comportements du phénomène urbain. Les modèles classiques traitant des différentes stratégies de localisation sont abordés mais aussi des approches plus récentes, comme la nouvelle économie urbaine et les modèles dynamiques issus de sciences annexes (notamment la physique). Ainsi, le caractère polysémique du concept de ville est mis en évidence.
Dans cette volonté d'analyse globale, le phénomène urbain apparaît parfait, toute particularité étant soit classifiée soit édulcorée. Pourtant, le monde réel expose chaque jour ses différences, ses variations, ses irrégularités. D'ailleurs, les échelles utilisées ne sont pas exhaustives. La ville est peu envisagée par sa forme. Le nombre réduit de recherches à cette échelle l'atteste. Analyser la ville en tant que forme est une approche qui n'a pas encore révélé ses apports pour l'aménageur. Nous proposons donc une approche morphologique du phénomène urbain. Nous considérons la ville comme une forme engendrée par l'ensemble des entités urbaines. La ville n'est pas inanimée ou statique. D'ailleurs, la métaphore avec un organisme vivant est souvent faite. Cette dynamique n'est que suggérée dans la plupart des modèles. Différenciée du développement, la croissance urbaine est l'objet de cette recherche.
Afin d'étudier cette forme et sa dynamique, des théories morphologiques récentes sont introduites : la théorie des catastrophes, le chaos, la géométrie fractale. La physique contemporaine connaît un bouleversement dans sa compréhension du monde avec leur apparition. Nous exposons la correspondance entre villes et formes fractales. Images du chaos, les fractales sont un moyen de description de phénomènes liés à la turbulence, expression du chaos spatio-temporel. Des mécanismes simples construisent des figures complexes. La forte irrégularité des formes correspond à une des définitions d'un objet fractal. Une homothétie interne est visible dans le contour déchiqueté d'une agglomération. Ainsi, les formes urbaines possèdent les mêmes caractéristiques que les objets fractals : irrégularités des contours, homothétie interne, logique multi-échelle, allométrie dans les mesures du périmètre et de la surface. La relation entre forme urbaine et forme fractale est l'objet de quelques études en géographie urbaine. Nous avons éclairé un peu plus cette correspondance et montré la pertinence de cette direction de recherche pour la géographie urbaine. Nous posons ensuite une question : un processus fractal permettrait-il la simulation d'une croissance urbaine ?
Avant de répondre à cette interrogation, un terrain d'étude est présenté. Les villes de Nice, Marseille et Gênes serviront de cadre à cette recherche. Ces trois villes, à la fois différentes et comparables, sont analysées dans leurs caractéristiques physiques, économiques et historiques.
2- La seconde partie traite de la mise en forme de la ville, de sa mise en image.
La réflexion porte sur les différentes sources de données, leur échelle, leur disponibilité et leur fiabilité. Le choix de cartes topographiques au 1 : 50000 est justifié pour des raisons pratiques. Nous avons ensuite mis au point une méthodologie pour obtenir les entités urbaines d'une ville et en délimiter le contour.
La méthode d'obtention des données est constituée de deux étapes : - Il s'agit avant tout d'extraire les entités urbaines des cartes topographiques. Pour cela, un traitement d'image numérique, complété par des techniques de morphologie mathématique est utilisé. - À partir de ces résultats, il est nécessaire de définir les limites de l'urbain. Ici c'est une granulométrie, opération issue de la morphologie mathématique, qui est mise en œuvre. La figure qui suit présente un exemple des images obtenues. L'intérêt de notre méthode est qu'elle est généralisable, automatique et fiable. La part de subjectivité liée aux différences d'appréciation suivant les chercheurs est considérablement réduite. S'inscrivant dans une recherche des structures et des dynamiques spatiales urbaines de pays différents, elle devrait faciliter la comparaison ultérieure de résultats. Elle aboutit à la constitution d'une base de données sur les villes à différentes époques. Elle servira donc de support à l'étude de la croissance, objet de la troisième partie.
3 - La dernière partie analyse ces formes et leur dynamique.
Dans un premier temps, la complexité de la forme est évaluée par des analyses classiques (étude paramétrique, indices de forme) et morphologiques (analyse directionnelle par la morphologie mathématique) qui prennent aussi en compte la dynamique des structures (évolution des centres et des squelettisations). La notion de dimension fractale est ensuite introduite. La dimension fractale (D) caractérise une forme. Elle mesure le taux de l'accumulation des détails d'une structure lors de changements de résolution. Contrairement à certaines études, nous avons démontré qu'elle ne mesure pas la complexité d'un objet mais plutôt sa proximité avec une forme euclidienne. Des mesures des différentes dimensions fractales sont réalisées ainsi qu'une étude critique et comparative de leurs méthodes de calcul. L'approche multi-fractale complète ces mesures. En effet, la superposition de dimensions sur une même image apparaît très souvent dans nos calculs. L'introduction de la multifractalité indique un processus de croissance de type turbulent. Ces dimensions complètent notre étude paramétrique plus classique en renseignant autrement sur la forme.
La dernière section s'intéresse à la simulation. Elle propose un aperçu des différents types de modèles dont le fonctionnement produit des formes fractales (IFS, percolation, agrégation de particules). La simulation numérique permet d'étudier la dynamique de la croissance urbaine car elle prend en compte conjointement le temps et l'espace. Ce dernier est quadrillé et des particules s'étendent dessus suivant certaines règles. Nous avons développé en C un modèle de simulation basé sur un processus fractal (DLA). Il intègre un principe d'anisotropie spatiale qui définit des directions privilégiées pour la croissance. Trop souvent admis comme postulat simplificateur, l'anisotropie spatiale ne peut être acceptée en géographie urbaine. L'espace ainsi structuré dirige la géométrie fractale. Dans une perspective simplificatrice, nous n'avons lié l'anisotropie spatiale qu'à deux facteurs : la déclivité des pentes et la présence de la mer. Leur rôle est d'ailleurs essentiel dans nos villes étudiées, comme dans la plupart des villes méditerranéennes. Les premières simulations débutent d'un point défini comme l'origine de la ville. Les résultats obtenus, même s'ils montrent que le modèle est approprié à la description de la dynamique urbaine, présentent toutefois des écarts à la réalité assez importants. Ainsi il convient de traiter de l'influence des structures initiales sur les simulations. Les résultats révèlent alors qu'il est plus pertinent de recourir à une image de la ville comme point de départ. Ce sont donc les images les plus anciennes qui sont prisent comme point initial dans cette deuxième phase. Les figures suivantes fournissent un exemple des simulations : Les résultats s'avèrent plus réalistes. Ils mettent en évidence la pertinence d'un modèle à particules dans la simulation d'une dynamique urbaine. Pourtant, si cette conception schématique des contraintes spatiales démontre l'implication du relief dans les formes urbaines, elle n'explique pas tout. La géographie contemporaine s'attache à découvrir l'existence d'autres lois qu'il faudrait prendre en compte. Ainsi il conviendrait, dans le but d'affiner le modèle, d'introduire d'autres conditions d'anisotropie spatiale (notamment l'influence des voies de transport).
Finalement cette recherche répond à plusieurs questions : - Un modèle à particules, fondé sur un processus fractal, est effectivement approprié pour simuler une croissance urbaine. Les résultats des simulations confirment la pertinence de la logique fractale. Ce principe, qui consiste à envisager les "micro-processus" pour expliquer des formes globales, est d'ailleurs utilisé dans d'autres types de modèle, notamment les modèles multi-agents. - Le déterminisme physique ne peut à lui seul expliquer une structure urbaine. Un nombre important d'hypothèses relevant de l'organisation de l'espace doit être pris en compte.
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